Le Sud-Est au bord d’une crise humanitaire dévastatrice

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Depuis 2017, les préfectures du Haut-Mbomou et du Mbomou, dans le sud-est du pays sont le théâtre de conflits communautaires et de luttes pour le contrôle des ressources, impliquant plusieurs groupes armés, avec des conséquences dévastatrices pour les populations locales. Cette instabilité affecte particulièrement des localités telles que Rafaï, Bakouma et Pombolo dans le Mbomou, ainsi que Zémio, Mboki et Djéma dans le Haut-Mbomou, où l'insécurité menace la vie quotidienne et complique l’accès aux services de base.

Une région aux prises avec la violence

La préfecture du Mbomou est plongée dans une crise humanitaire alimentée par des poches d’insécurité persistante, des violences armées et des extorsions régulières visant aussi bien les civils que les acteurs humanitaires. Depuis 2024, les axes essentiels à l’acheminement de l’aide sont devenus des zones de danger constant, où les convois humanitaires sont régulièrement rançonnés, perturbant la circulation et aggravant la vulnérabilité des populations locales.

Le corridor Bakouma–Nzacko–Bria est devenu un foyer de tensions, marqué par des incursions dans les villages ainsi que des braquages par des hommes armés qui ont entraîné la suspension de nombreuses activités humanitaires et provoqué des déplacements massifs de population. Plusieurs villages, comme Bolo, Konon et Yangounda, ont subi des attaques, pillages et extorsions forçant des centaines de personnes à fuir.

L’axe Rafai – Dembia, autrefois paisible et terre d’accueil pour les personnes déplacées, a connu de fortes tensions depuis l’incursion d’un groupe armé à Dembia en décembre 2024. Ce groupe s’était infiltré dans un site abritant des demandeurs d’asile soudanais, provoquant ainsi un important mouvement de population, principalement vers le centre de Rafai, avant une dispersion vers d’autres sous-préfectures telles que Bangassou et Bakouma.

L’accès humanitaire est fortement compromis, notamment sur l’axe stratégique Kembe–Pombolo, où la prolifération de barrières illégales et les paiements forcés imposés aux convois compliquent fortement l’acheminement de l’aide. Cette situation met en péril la survie de milliers de déplacés et exacerbe les tensions économiques dans toute la région. Cet axe est d’autant plus crucial qu’il constitue la principale voie reliant Bangui au sud-est du pays, desservant les préfectures du Mbomou et du Haut-Mbomou, et assurant l’approvisionnement en biens essentiels.

Dans le Haut-Mbomou, la situation sécuritaire reste extrêmement préoccupante, marquée par des tensions intercommunautaires, des affrontements armés, des déplacements de population qui en résultent, des exécutions extrajudiciaires, des arrestations arbitraires, des violations de l’espace humanitaire, ainsi que des exactions ciblées. Les affrontements récurrents entre groupes armés obligent les habitants à fuir. Certains quittent Mboki pour se réfugier à Zémio, tandis que d’autres fuient Zémio en direction de Zapaï, une ville frontalière située en République Démocratique du Congo (RDC). Entre mai et juin 2025, plus de 42 000 personnes se sont déplacées préventivement dans des sites de regroupement à Zemio et vers Zapai.

Des centaines de déplacés internes continuent de fuir vers les préfectures voisines, notamment dans le Mbomou où plus de 500 personnes ont été recensées à Rafai ainsi que dans la Basse-Kotto. L’accès humanitaire est gravement perturbé sur les axes Zémio–Djema, Zémio–Mboki et Zémio–Dembia, en raison des affrontements armés récurrents. La circulation des biens, des civils et des travailleurs humanitaires y est fortement restreinte. Des milliers de personnes se retrouvent bloquées sur ces routes ou contraintes de se réfugier dans la forêt, face à une insécurité persistante.

Par ailleurs, la ville de Mboki a accueilli plusieurs demandeurs d'asile Sud-Soudanais, principalement hébergés dans des établissements scolaires, ce qui a considérablement réduit le nombre de salles de classe disponibles pour les élèves. Les salles de classe restantes, non occupées par les demandeurs d'asile, sont insuffisantes pour accueillir environ 200 élèves de la ville, obligeant les autorités scolaires locales à mettre en place un système de rotation.

Cette instabilité entraîne également d’importantes conséquences socio-économiques : la fermeture des commerces, la suspension d’activités humanitaires et des difficultés d’accès aux marchés, affectant sévèrement les moyens de subsistance des communautés. Par ailleurs, les risques de représailles et de restrictions de déplacement placent les civils, notamment les réfugiés soudanais fuyant le conflit en cours dans leur pays, les déplacés internes et les communautés locales dans une situation de vulnérabilité accrue, où la protection demeure une priorité majeure. L’absence des autorités locales à Zémio, entrave considérablement, d’une part, le dialogue et la communication efficaces entre les forces de sécurité et la population locale, et, d’autre part, les initiatives de cohésion sociale dans la localité.