RD Congo : Intensification des violences dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu - Rapport de situation #4, 8 mars 2025

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FAITS SAILLANTS

• Accalmie relative à Goma et Bukavu, affrontements et nouveaux déplacements dans plusieurs zones au Nord-Kivu et au Sud-Kivu

• Nombreux incidents de violences ciblées contre les civils, les infrastructures médicales et éducatives

• Défis sécuritaires et logistiques à la réponse humanitaire persistants dans plusieurs localités

• Distribution de vivres à 200 000 retournées, distribution d’articles ménagers essentiels et d’eau, hygiène et assainissement à 13 000 ménages, traitement de 14 000 enfants contre la malnutrition

APERÇU DE LA SITUATION

Territoire de Lubero

Depuis le 24 février, une accalmie précaire est observée dans le territoire de Lubero, à la suite des derniers affrontements qui ont eu lieu le 18 février entre les Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) et le groupe armé M23. Ces combats ont occasionné plus de 100 000 nouveaux déplacés sur les axes Alimbongo-Kitsombiro, Alimbongo-Kipese et BingiKasugho, notamment vers les localités de Masereka, Kyondo, Musienene et la ville de Butembo. Selon des sources locales, lors de ces combats, des hommes armés auraient pillé les biens des populations à Musienene et à Kimbulu.

En raison de la persistance des hostilités sur l’axe Katondi-Kipese, plusieurs organisations humanitaires ont évacué leur personnel.

Plusieurs centres de santé et écoles ont fermé. Près de 50 000 enfants ont vu leur scolarité interrompue et plusieurs milliers de personnes sont privées d’accès aux soins de santé. De plus, l’approvisionnement en vivres vers la commune de Lubero est compromis, les localités sources, Kipese et Lubango, étant devenues des zones de combat.

Au cours de la dernière semaine de février, une explosion de bombe a frappé le bâtiment administratif de la zone de santé, ainsi qu’un centre de santé de la zone de santé d’Alimbongo. Selon les autorités sanitaires, cette explosion a causé d'importants dégâts matériels, rendant hors service les installations sanitaires. Plus de 22 000 habitants de la zone sont ainsi privés d'accès aux soins médicaux.

Territoire de Masisi

Les occupants des sites de déplacés de Goma et ses environs continuent de retourner de manière spontanée dans leurs villages du Nord-Kivu, notamment dans le territoire de Masisi. Au cours du mois de février, plus de 17 000 personnes (2 875 ménages) sont retournées dans la zone de santé de Kirotshe, notamment dans l’aire de santé de Karuba. Ces nouveaux retournés s’ajoutent aux 33 000 personnes déjà retournées à Karuba depuis janvier 2025, selon une évaluation récente de l’ONG NRC1 . Par ailleurs, plus de 28 000 autres personnes ont regagné leurs villages dans la zone de santé de Mweso, portant le total à plus de 78 000 retours dans le Masisi depuis janvier 2025. Ces populations font face à des défis majeurs liés à la destruction des infrastructures, limitant leur accès aux soins, à l’éducation et aux moyens de subsistance.

Pour consolider ces retours, une coordination inter-agences est essentielle afin de garantir la sécurité, l’accès aux services de base et la réhabilitation des infrastructures (eau, écoles, centres de santé). Un suivi systématique du respect des droits humains et la prévention des conflits fonciers sont prioritaires. L’intégration d’une approche de relèvement précoce et de résilience dans la planification humanitaire renforcerait la durabilité de ces retours.

Dans la zone de santé de Masisi, de nouveaux affrontements ont opposé le M23 à d’autres groupes armés locaux entre le 18 et le 25 février dans le groupement Biiri, y compris Masisi Centre, Katale, Lwanguba, Kanii, Kahongole, Kibuye et Lushebere. Au moins quatre civils ont été tués, dont un travailleur humanitaire atteint par une balle perdue le 20 février alors qu’il se trouvait dans sa base. Un enfant réfugié dans la même base a été blessé. Un obus a frappé une autre installation humanitaire, sans faire de victimes.

Dans la zone de santé de Mweso, des combats ont éclaté dans la nuit du 26 au 27 février à Kirumbu, Katsiru, Mihara, Kinyabyitsi, Buleusa, Rusamambu et Mont Mpeti, occasionnant des déplacements de population vers les localités de Pinga, Kalembe, Kanyabayonga, Mutongo et Mweso. Le nombre exact de pertes en vies humaines et de déplacés reste encore inconnu. Ces violences surviennent après une série d’attaques dans la zone (dont celles du 24 et 25 février à Bulende, Bukonde et KalembeCentre), mettant ainsi fin à une période d’accalmie.

Territoire de Walikale

Le 25 février, à la suite d’affrontements avec le M23, un groupe armé a pillé le centre de santé de Rusamambu (territoire de Walikale), emportant des kits médicaux et endommageant la structure par des tirs. Situé dans la zone de santé de Pinga, ce centre était le seul accessible pour environ 11 210 habitants, désormais privés de soins. Depuis octobre 2024, cette zone accueille un afflux massif de déplacés et de retournés, restés sans assistance humanitaire adéquate.

Territoire de Rutshuru

La dynamique de retour s’intensifie dans plusieurs localités de Rutshuru. Depuis le 6 février 2025, l’aire de santé de Kabizo (zone de santé de Bambo) a enregistré environ 1 879 ménages qui ont quitté les sites et centres collectifs à proximité de Goma. Ces ménages se sont dispersés dans plusieurs villages, notamment Kabizo Musienene, Katovu, Kabizo Marché, Bundase, Ruza et Rushashi. Certains retournés ont retrouvé leurs habitations détruites ou occupées par d’autres déplacés encore présents dans la zone, ce qui risque de générer des tensions communautaires. Par ailleurs, environ 1 857 ménages déplacés se trouvent toujours dans l’aire de santé de Kabizo. Arrivés depuis août 2024, ces ménages sont principalement hébergés par des familles d’accueil.

Ville de Goma

Entre le 1er et le 3 mars, plusieurs centres hospitaliers de Goma ont été́pris pour cible par des acteurs armés, marquant une escalade de violence contre les structures médicales et le personnel de santé. La situation sécuritaire dans la ville reste préoccupante en raison de la recrudescence d’actes criminels, incluant des braquages de domiciles, des vols et des agressions.

Suite au démantèlement des sites de déplacés autour de la ville, au moins 3 680 ménages (16 560 personnes) n’ayant pas pu regagner leurs villages d’origine ont trouvé refuge dans 56 nouveaux centres collectifs identifiés par les partenaires humanitaires.

Les acteurs humanitaires en charge de la coordination des sites mènent un suivi régulier de ces centres, où les conditions d’hébergement sont susceptibles de faciliter la propagation des maladies et d’augmenter le risque de violences basées sur le genre.

L’aéroport de Goma est resté fermé depuis fin janvier, obligeant les humanitaires à utiliser des itinéraires alternatifs via la Tanzanie et le Rwanda. Des retards à la douane bloquent des cargaisons, y compris celles arrivées avant la prise de contrôle du Nord-Kivu par les autorités de facto, en attendant l’entrée en vigueur des mesures d’exonération pour les biens humanitaires. La fermeture des banques et institutions de microfinance paralyse la distribution de l’aide d’urgence par transfert monétaire.