RD Congo: Situation humanitaire dans la province du Nord-Kivu (8 avril 2024)

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Ce rapport est produit par OCHA RDC en collaboration avec les partenaires humanitaires. Il couvre la période du 1er au 31 mars 2024.

FAITS MAJEURS

  • Plus de 165 000 personnes nouvellement déplacées à Lubero en mars venant de Rutshuru et de Masisi

  • Plus de 467 000 personnes ont reçu une assistance en vivres au Nord-Kivu en mars.

APERÇU DE LA SITUATION

Territoire de Masisi

En mars, des affrontements entre l’armée congolaise et un groupe armé non-étatique ainsi que leurs alliés respectifs se sont poursuivis dans les chefferies de Bashali et Bahunde, territoire de Masisi. Ceci a entraîné une réduction significative de l'accès humanitaire.

L'axe Sake-Minova est toujours coupé à cause d’un trou creusé par des éléments armés sur la route, et qui empêche le passage des véhicules.

Le rapprochement des positions des belligérants sur les lignes de front autour de Sake pousse les populations à fuir vers la ville de Goma. L'insécurité persistante perturbe aussi l'aide humanitaire. Le 13 mars, le convoi d’une ONG internationale a dû rebrousser chemin entre Sake et Kitshanga à cause des combats. Les véhicules d’une autre ONG internationale transportant des biens médicaux vers Bihambwe ont également été bloqués à Sake. Le territoire de Masisi compte plus de 448000 personnes représentant au moins 17% du total de plus de 2,67 millions personnes déplacées du Nord-Kivu, selon la mise à jour de la Commission Mouvement de Population (CMP) au 29 février 2024.

La ville de Goma et territoire de Nyiragongo

La proximité des zones de combat dans le territoire de Masisi avec la ville de Goma constitue une menace permanente à la vie des personnes déplacées vivant dans les sites le long de l'axe Goma- Sake. Au cours du mois de mars, plusieurs obus sont tombés à proximité des sites de Bulengo et Nzulo, en raison des échanges de tirs d'artillerie entre les belligérants dans les environs de la cité de Sake. Aucune perte en vies humaines n’a été rapportée. Malgré ces incidents, les interventions humanitaires se sont poursuivies dans la zone.

En outre, la situation sécuritaire est demeurée volatile dans les sites de déplacés autour de Goma à cause de la forte militarisation de la ville. Le 5 mars, une personne déplacée a été tuée par un élément armé dans le site de CBCA REGO, provoquant la colère des déplacés. Ces dernières ont barricadé l'axe Goma-Sake et lynché l'auteur présumé. Le 8 mars, des violences armées ont fait un mort et trois blessés parmi les civils dans le site de Rusayo 1.

Une nouvelle évaluation de la situation de protection a révélé l’influence grandissante des groupes armés dans les sites de déplacés. Des éléments de ces groupes armés imposent des taxes illégales et s’impliquent dans la résolution des différents entre les personnes déplacées. Des incidents de protection et autres abus liés à leurs interventions ont été rapportés.

Les sites de déplacées autour de Goma connaissent aussi des menaces liées aux aléas climatiques. Une pluie orageuse survenue le 14 mars a tué deux personnes et fait plusieurs blessés dans le site de Bulengo. Près de 7 000 abris de déplacés ont été détruits dans les sites de Bulengo, Bushagara, Mudja, et Rusayo 2. Plusieurs infrastructures sanitaires et scolaires ont également été détruits ou endommagés. Les autorités provinciales sont venues en aide victimes du site de Bulengo avec des bâches et de l’argent. L’OIM a assisté 6 083 ménages en bâches et accessoires pour la reconstruction des abris. Des kits AME ont été aussi distribués aux ménages de Bulengo n'ayant pas reçu l’assistance AME en octobre 2023.

Par ailleurs, la ville de Goma fait toujours face à des défis de sécurité, notamment la montée de la criminalité urbaine. Des cas d’assassinat, de cambriolage et d’enlèvement de personnes sont rapportés chaque semaine. Le 31 mars, un travailleur humanitaire a été tué par des acteurs armés dans la ville de Goma. Goma connait aussi une augmentation d’enfants de la rue, ce qui accroît les risques supplémentaires liés à la protection de l'enfance.

Dans le territoire de Nyiragongo, deux groupes armés se sont affrontés le 21 mars à Mutaho, au nord-ouest de la ville de Goma. Une femme a été blessée par balles lors des échanges de tirs, selon des acteurs de protection. De violents affrontements entre des groupes armées ont aussi éclaté le 23 mars dans les groupements de Kibumba et de Buhumba, dans le territoire de Nyiragongo. Ces combats ont temporairement interrompu le trafic sur l'axe routier Goma-Rutshuru. La situation s'est calmée par la suite et le trafic a repris.

Territoire de Rutshuru

La situation est restée précaire dans le territoire de Rutshuru malgré une accalmie relative observée depuis le 10 mars après la prise de la localité de Rwindi par les éléments d’un groupe armé. Les affrontements ont diminué mais les positions des belligérants restent proches des habitations, faisant craindre une reprise des violences, notamment dans le groupement de Kanyabayonga.

Cette accalmie a motivé certains déplacés, qui avaient fui entre le 4 et le 8 mars, à retourner progressivement dans leurs villages d'origine, notamment à Kishishe, Kibirizi, Kirima et Kashalira. Des sources humanitaires estiment à plus de 30 000 personnes (6 196 ménages) la population retournée dans ces zones. Certaines organisations humanitaires sont aussi revenues et ont repris leurs opérations, notamment Médecins Sans Frontières qui est revenue à Kibirizi le 14 mars. Sur place, les besoins humanitaires demeurent importants. Selon une d’évaluation réalisée par l’ONG HEKS-Eper dans la deuxième quinzaine de mars, près de 4 390 nouveaux ménages arrivés entre le 4 et le 10 mars dans les aires de santé de Bulinde et Birundule ont des besoins urgents dans presque tous les secteurs.

Les acteurs humanitaires subissent de façon continue des contraintes administratives dans le territoire de Rutshuru, ce qui risque de restreindre considérablement l'accès à la population.

Territoires de Beni

Selon des sources bien renseignés, des mouvements de présumés éléments armés ont été signalés dans les quartiers de Ngongolio et Musenze, à l'ouest de la ville de Beni, ce qui a occasionné des déplacements préventifs vers d'autres quartiers de la ville. Le 18 mars, des éléments armés ont mené une incursion dans le quartier Sayo de la ville de Beni. Une personne aurait été enlevée et sept maisons incendiées, selon les acteurs de protection. Depuis le 10 mars, au moins 25 personnes ont été tuées par des hommes armés dans le nord-ouest de la ville de Beni.

En raison de cette insécurité, les vols humanitaires à destination de l'aéroport de Mavivi ont été suspendus pendant un jour, le temps de sécuriser la zone. Face à cette insécurité persistante, les acteurs humanitaires ont plaidé auprès des autorités pour des mesures appropriées de protection des populations civiles contre les attaques armées dans la ville.

Du 4 au 8 mars 2024, OCHA et 15 organisations humanitaires ont mené une évaluation multisectorielle dans la zone de santé de Kamango, à 90 km au nord-est de la ville de Beni. Cette zone abrite actuellement environ 133 500 personnes retournées, soit plus de 19 000 ménages.

Depuis août 2023, un mouvement de retour a été enregistré et se poursuit à Kamango, principalement en provenance des localités environnantes de Nobili et de Kamango. Cette zone abrite également environ 18 000 personnes déplacées, arrivées entre novembre 2023 et février 2024, des villages isolés et ceux situés à proximité du parc national de Virunga et au pied du mont Ruwenzori.

Les acteurs humanitaires se mobilisent pour assister les personnes vulnérables, principalement les retournées et les déplacées vivant dans certains villages et aui attendent un retour à la normale de la situation sécuritaire dans leurs villages d'origine. Des sources humanitaires rapportent que plus de 80% de la population de Kamango déclarent n'avoir reçu aucune assistance depuis leur arrivée en novembre 2023. Les besoins prioritaires sont la santé, l'eau, l'assainissement et l'hygiène, la nourriture, l'éducation et la protection, notamment la protection communautaire et contre les violences basées sur le genre.

Territoire de Lubero

Environ 165 000 personnes, soit 33 000 ménages, nouvellement déplacés sont arrivés au mois de mars dans le territoire de Lubero à la suite des combats entre l’armée congolaise et un groupe armé non-étatique dans les territoires de Rutshuru et de Masisi. Ces déplacés vivent actuellement dans des conditions précaires dans les villages autour des axes Kirumba-Kanyabayonga, Kirumba- Kaseghe, Kirumba-Kamandi-Lac et Kirumba-Miriki-Mbwanvinywa. Selon une évaluation conduite du 19 au 23 mars 2024 par OCHA et une vingtaine d’organisations humanitaires dans le sud de Lubero, plus 8 sur 10 personnes déplacées vivent dans les familles d’accueil et le reste dans les centres de regroupement collectif. Les besoins urgents et prioritaires de ces personnes sont la sécurité alimentaire, la santé, l'eau, l'hygiène et l’assainissement.

A Kanyabanyonga, la situation sécuritaire est relativement calme mais assez imprévisible. Une psychose est perceptible au sein de la population civile. Certains commerçants ont commencé à déplacer leurs marchandises de peur d'être pillés lors d’une prochaine attaque.

Par ailleurs, un convoi de la Monusco en provenance de Rwindi en territoire de Rutshuru pour Beni-ville a été caillassé par un groupe de jeunes le samedi 30 mars 2024 dans la commune rurale de Kanyabayonga et dans la ville de Butembo. Selon plusieurs sources, la population qui accuse souvent la Monusco d’être l’un des principaux acteurs de l’insécurité à l’est du pays, a mal accueilli le passage de ce convoi. A Butembo, la situation a dégénéré, occasionnant la mort d’un jeune manifestant à la suite d’une échauffourée entre les manifestants et le cordon de sécurité. Le convoi a pu continuer son chemin jusqu’à Beni et la situation est redevenue calme le lendemain.

Territoire de Walikale

La situation sécuritaire dans les zones de santé de Pinga et d'Itebero est également préoccupante. Les populations locales redoutent des attaques imminentes de leurs villages par les éléments d’un groupe armé non-étatique, en raison de leur proximité avec les lignes de front dans le territoire de Masisi. Depuis le 8 mars, au moins 17 900 personnes déplacées sont arrivées dans plusieurs villages de la zone de santé de Pinga en provenance de Rutshuru. Depuis début mars, une vague de déplacées est arrivée dans la zone de santé d'Itebero, fuyant les affrontements dans les collines de Bweremana et Shasha, territoire de Masisi. Ces déplacés sont hébergés par des familles d'accueil et dans des centres de regroupement.

Dans les deux zones, les besoins prioritaires identifiés sont la nourriture, les articles ménagers essentiels et l'eau, l'hygiène et l'assainissement. Des acteurs humanitaires tels que HEKS EPER, DCA et MEDAIR sont déjà présents dans la zone, mais une évaluation multisectorielle rapide est nécessaire.